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Catherine est alsacienne et protestante. Jean François est catholique. Rencontre, projets de mariage impossibles car contrariés par les familles, en raison des religions différentes. Alors, fuite vers l'Amérique. Mais arrivés au Havre, Catherine, la petite Alsacienne, est épouvantée par l'océan et refuse absolument de prendre le bateau. Le jeune couple s'installe donc au Havre. Voilà l’histoire, la légende familiale d'où je suis partie, pour retrouver la trace de Jean et Catherine.
La légende est bien une légende. Catherine Nehlig et Jean François Scheurwegh ne se sont pas enfuis vers l'Amérique, jeune couple amoureux rejeté par leurs familles respectives. Catherine est arrivée au Havre à l'âge de 12 ans, accompagnée de ses parents, de son grand-père, de son frère et de ses sœurs Elle était bien protestante, mais ce sont ses parents qui l'ont amenée en Normandie. Jean François est né en Belgique. Et ce n'est pas l'Amour avec un grand "A" qui les a conduits au Havre, mais tout simplement le vent de l'Histoire, avec un grand "H".
1854 - Philipp Peter - Pierre - Nehlig, 68 ans, est au Havre, avec son fils, Jean-Nicolas, 44 ans, sa belle fille Catherine, 40 ans, et leurs quatre enfants Catherine, 12 ans, Marie-Elisabeth, 9 ans, Christine, 6 ans et Henri, 4 ans. Tous vivent rue Pingré. Jean-Nicolas est ouvrier raffineur de sucre.
Que font ces Alsaciens en Normandie ? Tous sont nés à Dehlingen, petit village proche de la frontière franco-allemande. Ils ont pris la route de l'émigration. Ils rêvent de partir pour ... l'Amérique.
"Dans les premières années de la Restauration, renouant avec une tradition séculaire, des Alsaciens quittent leur province pour aller s'établir en Amérique, en un exode qui se déclenche au moment de la disette de 1817".
"On part en convois, en utilisant les services des voituriers locaux, ou chaque fois que c'est possible, toujours par souci d'économie, sa propre charrette"
"Le trajet prenait deux semaines, parfois plus, par des chemins en mauvais état. Des membres d'une même famille, des voisins d'un même village ou du canton se groupaient pour affronter unis les dangers de la route..." (1).
Mais, peut-être, plus simplement, ont-ils pris le train, qui relie Le Havre à partir de 1852. Ils ne sont d'ailleurs pas seuls. Originaires de Dehlingen, d'autres Nehlig les accompagnent, ou les rejoignent. Cousins, parents plus ou moins éloignés, ces sont 53 "Nehlig" qui naissent, se marient, meurent au havre, entre 1854 et 1897.
Jean-Nicolas et Catherine ne sont pas partis sur un coup de tête. Ils ont sans doute mûrement réfléchi, avant de courir les routes avec leurs 4 enfants. Ils sont arrivés entre 1850 - Henri est né à Dehlingen en 1850 - et 1854, date de la naissance de Charles au Havre. Cet acte de naissance est d'ailleurs le premier qui fait apparaître le nom de Nehlig sur les registres d'Etat Civil de la ville.
En ce mois d'octobre 1854, alors que naît, Charles, leur 5éme enfant, Jean-Nicolas et Catherine savent-ils déjà qu'ils ne partiront pas, qu'ils resteront en France ? C'est peut-être ici que la légende - Catherine, l'Alsacienne, épouvantée par l'océan, qui refuse de monter en bateau - oui, c'est peut-être ici que la légende rejoint la réalité, avec juste une erreur de génération Catherine, femme de Jean-Nicolas Nehlig, et non Catherine, sa fille, femme de Jean François Scheurwegh.
Quoi qu'il en soit, Jean-Nicolas travaille, et peut-être est-il comme tant "d'autres qui trouvent sur place un travail qui leur permettra de gagner, du moins l'espèrent-ils, le prix du passage. Tous ne s'exécutent pas, cependant, car si la place est bonne, pourquoi affronter les hasards d'une traversée longue et dangereuse au risque de lâcher la proie pour l'ombre ?" (1).
Jean-Nicolas a trouvé ce travail dans une raffinerie de sucre. Et la place doit être bonne, ou tout au moins sûre, car sur 10 hommes adultes « Nehlig » dont la profession est notée, 7 sont ouvriers raffineurs de sucre.
(1) Texte tiré de la revue du Cercle Généalogique d'Alsace, dans son numéro 66/1984-2
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