Marie-Louise Rigaud

Marie-Louise, je t'imagine, je te vois, ce mercredi 14 avril 1943. 

Tu me regardes, mais tu ne me vois pas. Tu fuis, avec Antoine, ton mari, avec tes compagnons d'arme. Vous venez d'échapper à la mort, ou pire que la mort, à l'arrestation par la Gestapo.

Votre groupe de Résistants a été dénoncé. Les allemands sont arrivés dans la nuit. Mais vous aviez été prévenus. Tous les membres de votre groupe sont partis. Vous auriez pu partir, Antoine et toi, dès que vous avez eu l'information. Mais non, pas question. Antoine a craint que les allemands, ne trouvant pas ce qu'ils cherchaient, se vengent sur la population. Alors, vous êtes restés. Et Antoine s'est mêlé aux villageois, devant les allemands. Son idée : s'il y a des représailles, il se livre. Tout le monde le connaissait, tout le monde savait… Personne n'a rien dit. De longues heures ont passé. Tout le monde a été interrogé. Personne ne savait rien. Et pas un coup de feu n'a été tiré. En fait, il y a bien eu UN coup de feu : un officier allemand a été blessé par un de ses hommes ! Ils sont partis, et maintenant vous aussi vous partez, vers un autre maquis. Vous êtes toujours inquiets, mais soulagés…

Marie-Louise, tu t'es endormie, dans une maison amie, à l'abri, loin de Quarré-les-Tombes. Tu ne sais pas de quoi demain sera fait, mais tu as confiance.

Dors, Marie-Louise, dors… Ne te réveille pas trop vite, il n'est pas encore temps.

Demain, plus tard, il sera temps de te réveiller. Plus tard, le plus tard possible. Car alors tu apprendras que tes trois enfants, Ginette, Damien et Geneviève, ont été arrêtés par la Gestapo à Paris, à la suite de la même dénonciation. Et tu apprendras, plus tard, le plus tard possible, qu'ils ont été déportés tous les trois en camp de concentration.

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