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En généalogie, nous rencontrons beaucoup d'énigmes, de mystères, nous avons beaucoup d'interrogations. Parfois très importantes : enfant de qui ? Marié ? Ont-ils eu des enfants ? Et parfois anodines, découlant d'un mot, d'une phrase, trouvés sur un acte. Mais qui n'en restent pas moins des énigmes.
Charles Lechevallier naît en 1741 à Quettreville-sur-Sienne (Manche). Fils de Charles et Julienne Mahé, il est laboureur. En 1766, il épouse, toujours à Quettreville, Marie Jeanne Ruault. Ils ont plusieurs enfants. Marie Jeanne décède en 1791, à environ 53 ans.
Charles épouse alors, le 7 mai 1791 (acte page droite), Marie Françoise Adam native, comme Charles, de Quettreville. Il a 49 ans, Marie Françoise est âgée de 46 ans. Ils ne semblent pas avoir eu d'enfants.
Une vie simple, faite de bonheurs et de malheurs, semblable à beaucoup d'autres.
Mais la période est agitée : la Révolution Française est en marche, accompagnée de beaucoup de changements.
Le 12 juillet 1790 est promulguée la Constitution Civile du Clergé. L'ensemble du "personnel" ecclésiastique, de l'évêque au curé, devient soumis au pouvoir civil. Ce texte est étonnant : on n'imagine pas aujourd'hui une telle intrusion de l'Etat dans l'organisation d'une Eglise.
Le Roi et les évêques tentent d'obtenir l'accord du pape Pie VI. Face à ces résistances, l'Assemblée nationale décide le 27 novembre 1790 que les ecclésiastiques alors en fonction doivent prêter serment de fidélité, ce qui implique l'acceptation de la Constitution civile du clergé.
"Je jure de veiller avec soin sur les fidèles de la paroisse (ou du diocèse) qui m'est confiée, d'être fidèle à la Nation, à la Loi, au Roi et de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le Roi."
Seuls quelques évêques et la moitié des prêtres (dits assermentés ou constitutionnels) acceptent de prêter serment. Les autres, appelés prêtres insermentés ou réfractaires, continuent à obéir au pape. Ce dernier condamne officiellement la Constitution civile du clergé et les principes révolutionnaires le 10 mars 1791. La plupart des prêtres réfractaires prennent alors le parti de la contre-révolution. (Source).
Devant le refus de nombreux ecclésiastiques de reconnaître la Constitution Civile du Clergé, le 29 novembre 1791 l’Assemblée législative adopte un décret qui déclare suspects et privés de leur pension les ecclésiastiques réfractaires qui ont refusé de prêter serment. Les édifices religieux ne peuvent être utilisés que par le clergé salarié par l’État.
« Le serment civique sera exigé dans le délai de huit jours.
Ceux qui refuseront seront tenus suspects de révolte et recommandés à la surveillance des autorités.
S'ils se trouvent dans une commune où il survient des troubles religieux, le directoire du département pourra les éloigner de leur domicile ordinaire.
S'ils désobéissent, ils seront emprisonnés pour un an au plus ; s'ils provoquent à la désobéissance, pour deux ans.
La Commune où la force armée sera obligée d'intervenir, en supportera les frais.
Les églises ne serviront qu'au culte salarié de l'État ; celles qui n'y seront pas nécessaires pourront être achetées pour un autre culte, mais non pour ceux qui refusent le serment.
Les municipalités enverront aux départements, et ceux-ci à l'Assemblée, la liste des prêtres qui ont juré et de ceux qui ont refusé le serment, avec des observations sur leur coalition entre eux et avec les émigrés, afin que l'Assemblée avise aux moyens d'extirper la rébellion.
L'Assemblée regarde comme un bienfait les bons ouvrages qui peuvent éclairer les campagnes sur les questions prétendues religieuses : elle les fera imprimer, et récompensera les auteurs. » (Source)
Et au milieu de tout ce remue-ménage, Charles et Marie Françoise se marient.
12 juillet 1790 : Constitution Civile du Clergé | 27 novembre 1790 : les ecclésiastiques doivent prêter serment | 7 mai 1791 : Mariage de Charles et Marie-Françoise | 29 novembre 1791 : Décret contre les prêtres réfractaires. Soit ils prêtent serment, soit ils s'exilent. |
L'acte rédigé par le curé de Quettreville est un bel acte comme je les aime : il est lisible, daté, filiatif, et le veuvage de Charles y est mentionné. Impossible de savoir si le curé avait prêté le serment mis en place le 27 novembre 1790. Le décret contre les prêtres réfractaires n'était pas encore voté. Pourtant, on sent que le curé célèbre le mariage "sous contrainte" : il est obligé de se conformer aux nouvelles règles.
Pourquoi une telle réaction du curé ? Il n'y a pas eu d'opposition ni d'empêchement signalés. Le curé précise qu'il n'y a eu qu'une seule publication de bans. Et il manque la mention de la dispense des deux autres publications de ban, normalement accordée par l'Evêque. Peut-être est-ce tout simplement la raison de sa colère : les prescriptions de la Saint Eglise ne sont pas respectées.
Peu de temps après, ces querelles n'auront plus lieu d'être : l'Etat civil est définitivement laïcisé par un décret du 20 septembre 1792. Il appartient désormais aux communes de tenir légalement les registres des Naissances, Mariages et Décès.
Charles Lechevallier est le Sosa 106, génération 7, d'André Desdevises
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