Enfant illégitime

Généalogistes, nous sommes habitués à rencontrer des actes de baptêmes ou des actes de naissance, pour des enfants illégitimes. Souvent, il s'agit d'enfants dont la mère est connue et le père inconnu. Il arrive aussi que l'enfant soit issu d'un couple non mariés, donc illégitime, mais reconnu par son père. Le curé précise alors que les parents ne sont pas mariés. Et parfois, il s'agit d'enfant trouvé ou abandonné.

Nicolas Dussous naît le 12 juillet 1762 (2e acte page droite) à Thairé, en Charente-Maritime. Ses deux parents sont nommés, le curé n'écrit pas qu'ils ne sont pas mariés. Pourtant, Nicolas Dussous est un enfant "naturel et illégitime". Car ses parents sont "de la religion protestante"

En 1762, les guerres de religion semblent bien loin. Elles se sont calmées depuis 1598, après la signature de l'Edit de Nantes par Henri IV, qui a mis fin à presque 40 ans de "Guerres de Religion". La question religieuse n'est pas réglée pour autant, et les persécutions, si elles sont moins fréquentes, existent toujours. Louis XIV accède au trône de France en 1643, et la situation des Protestants se dégrade peu à peu. Des restrictions les touchent dans le domaine de l'enseignement, certains métiers ou "offices" leur sont interdits. Pourtant, dans les régions où le protestantisme est bien implanté, le pouvoir royal ne constate pas la vague de conversions espérée. La situation empire, jusqu'à la Révocation de l'Edit de Nantes en 1685.

A la violence "légale", va s'ajouter le violence physique. Louis XIV va utiliser un corps de troupe réputé pour sa cruauté que l'on appelle les dragons, responsables de répressions violentes, qui sont restées dans l'Histoire sous le nom de "dragonnades". Destruction de temples, interdiction du culte protestant, conversions forcées, brutalités... Sous l'effet de la peur provoquée par l'arrivée des dragons, les conversions se multiplient. Les départs des Protestants pour l'étranger s'amplifient. Ceux qui restent pratiquent leur religion dans le plus grand secret. 

Louis XV est sacré roi en 1715. Les violences s'apaisent. Les idées de Lumières se répandent peu à peu, amenant une plus grande tolérance religieuse. Les philosophes des Lumières ont souvent défendu la liberté de conscience et la liberté de culte. 

Mais les sacrements protestants ne sont reconnus ni par l'Eglise catholique ni par le pouvoir royal. Les couples protestants n'étaient donc pas mariés officiellement, leurs enfants ne pouvaient pas être légitimes, et ne pouvaient pas hériter de leurs parents.

L'Édit de Versailles en 1787, sous le règne de Louis XVI accorde la liberté de culte aux protestants et aux autres minorités religieuses en France. Cet édit permet aux protestants de pratiquer librement leur religion, de construire des temples et d'accéder à des professions préalablement réservées aux catholiques. Les sacrements protestants sont reconnus. Les couples sont donc "officiellement" mariés, et leurs enfants sont légitimes.

Un décret du 3 ventôse an III - 23 décembre 1794 - établit un régime de séparation des églises et de l’État. Tout en affirmant le principe du libre exercice des cultes, le décret précise que l’État n’en salarie aucun, ne fournit aucun local et ne reconnaît aucun ministre du culte.

Ce qui rend l'acte de baptême de Nicolas Dussous si particulier, c'est qu'il est baptisé selon le rite de l'Eglise catholique et que ses parents se revendiquent ouvertement de la religion protestante. Ses parents le font baptiser, sans doute pour lui éviter des déboires à l'avenir. Mais ils ne renoncent pas à leur religion. Et peut-être Nicolas a-t-il été baptisé selon le rite protestant. Aux Archives Départementales de Charente-Maritime sont conservés des "registres pastoraux" uniquement pour la période 1657-1684.

A travers cet acte et cet article, j'ai voulu rendre hommage à Jean Gabriel Dussous et Marie Jobet, qui ont su, en 1762,  s'adapter à la situation, sans renoncer à leurs convictions.

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