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Les esquimaux ratés

Des souvenirs remontent parfois, sans que je sache pourquoi. C'est le cas de ces "esquimaux ratés". Petits moments de bonheur.

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Je devais avoir une dizaine d'années. Tous les jeudis - car à cette époque nous n'avions pas école le jeudi - avec mes deux petites soeurs, nous allions au "Centre aéré", qu'on appelle aujourd'hui "Centre de loisirs". Nous faisions la route seules, ce qui aujourd'hui serait improbable.

 

Nous passions toujours par la même route, en veillant à être bien sages. Il faut dire que la profession de notre père nous aidait beaucoup. Il était chauffeur-livreur, et nous savions qu'il pouvait arriver à tout moment. Ce qui arrivait parfois. Nous entendions un petit coup de klaxon, et nous voyions le camion passer.

Nous avions été bien éduquées : ne pas nous éloigner de notre route, ne suivre aucun inconnu, ne parler à aucun inconnu. Chaque jeudi, nous passions devant une sorte d'entrepôt. Cet endroit nous faisait un peu peur, car derrière la grande ouverture nous apercevions une grande salle, toujours plongée dans le noir.

Et un jour : "Bonjour jeunes filles, ça vous dirait de manger des esquimaux ?". Stupeur. La voix sort de ce trou noir. Instinctivement, nous nous serrons les unes contre les autres. Arrive un homme, très vieux (j'avais 10 ans !), tout sourire... "Des esquimaux, ceux qu'on fabrique ici... Ils sont bons, mais ils sont ratés. Ils sont de traviole, et on ne peut pas les vendre, alors on les jette. Mais je vous assure, ils sont bons ! Si vous attendez un peu, je reviens avec trois esquimaux". Et il disparaît dans son trou noir.

Entre nous trois pas un mot, mais nous restons sur place. Des esquimaux ! Il y a là de quoi faire vaciller toute volonté de suivre les consignes parentales. Issues d'une famille d'ouvriers, nous n'avons jamais manqué de rien, mais de là à manger des esquimaux...

Quelques minutes passent, et le "vieux" monsieur réapparaît. Dans ces mains, les trois précieux esquimaux. "Allez, régalez-vous !". Nous prenons les esquimaux, nous bredouillons un timide "Merci", et nous détalons à toutes jambes. Haletantes, nous nous arrêtons. Deux solutions : on jette les esquimaux, ou on les mange. On les mange ! L'enveloppe est rapidement enlevée et... Un vrai délice, une vraie découverte, une parcelle de bonheur... Nous sommes arrivées en retard au centre aéré.

La semaine suivante, même parcours, mais nous avons ralenti devant l'entrepôt. Et notre ami-esquimau était là. Cette fois, il avait préparé les esquimaux, pas besoin d'attendre. "Je me doutais que je vous verrais aujourd'hui, alors j'ai tout préparé."

Nous avons pris l'habitude de faire une pause devant cette immense porte. Parfois, il n'y avait personne, et nous étions bien déçues.

Quelle forme avaient-ils ces esquimaux ? Quel parfum ? Aucun souvenir. Juste le souvenir de ce petit moment de douceur.

Jamais, au grand jamais nous n'avons parlé de ces esquimaux ratés, ni à nos parents, ni à nos grandes soeurs. Car nous savions bien quelles auraient été leurs réactions : cris, interdictions, mises en garde... Nous avons gardé notre secret...

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Grâce à un groupe sur FaceBook : "Histoire et souvenirs de Saint-Maur-des-Fossés", j'ai pu retrouver la trace de nos esquimaux.

Commentaire d'Alain Ségoufin, un des membres du groupe :

"Joseph Lutz, alsacien et pâtissier vient s'installer en région parisienne en 1911 puis à Saint-Maur en 1924 au 114 boulevard de Créteil (116 dans les annuaires des années 70). Son fils André, aussi pâtissier (c'est de famille 😀) par la suite vient aussi s'installer à Saint-Maur dans les années 50, au 50 rue du Port-au-Fouarre. Il va peu à peu se spécialiser dans les glaces et sorbets et faire évoluer son entreprise: quelques centaines de litres au début des années 50 avec un commis pour arriver à plus de 600 000 litres en 1972 avec 25 employés. L’image de marque de Lutz : la Cigogne : « oiseau porte bonheur, symbole du bien vivre alsacien, de la fécondité, de la fidélité et de la qualité » disait André Lutz. Tout un programme ! "

(Voir tout le message concernant le glacier Lutz)

Il semble que la société ait cessé ses activités vers 2008-2010.

Mappy est formel : entre notre maison et le Centre aéré, il y a 800 mètres. Mais à l'époque de mes 10 ans, ces 800 mètres mesuraient... bien plus que 800 mètres !

 

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D
J'ai adoré ce moment de vie, Catherine nous incite à les poser sur papier, je pensais la chose impossible, je crois bien que je vais créer une rubrique sur mon blog
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J
Merci. Pour moi, il n'y a rien de prémédité. Un élément allume une lumière, le temps passe, et l'article vient... ou pas !