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Je n’ai pas connu mes grands-mères, toutes deux décédées bien avant ma naissance. J’ai rencontré mes grands-pères, mais je ne peux pas dire que je les ai « connus ». Ils sont décédés alors que j’avais 6 ou 7 ans. Pour mes parents, la mémoire familiale n’était pas un sujet de conversation. Leurs parents avaient déjà rompu avec cette mémoire, en "émigrant" de leurs provinces natales vers la région parisienne. Des parcours de vies un peu chamboulés ont eu raison de leur envie de raconter leur histoire.
Et j’ai rencontré Odette, compagne – et cousine – d’Arsène, mon beau-père. Odette était la mémoire vivante de sa famille. Elle racontait le passé, elle racontait la vie d’avant, elle racontait ses parents, ses oncles, ses tantes...
Ses récits étaient directs. Elle ne faisait pas de grandes phrases. Elle racontait ce qu’elle avait vécu, ce qu’elle avait ressenti, compris. Elle racontait les qualités, mais aussi les défauts de chacun. Sans fard, mais toujours avec un grand respect.
Elle mettait de la vie dans les photos qu’elle montrait parfois. Ces gens, les petits, les grands, s’incarnaient. Ils vivaient à travers ses paroles. Je les voyais vivre leur vie quotidienne.
Chez mes beaux-parents, il y avait un petit meuble. Sur ce meuble, des photos, et posées devant les photos, des bougies.
Ses morts faisaient partie de sa vie. C’était naturel pour elle d’en parler. Il est vrai qu’elle avait rencontré la mort très tôt, à 6 ans. Adrien, son père n’était pas revenu de la « Grande Guerre ». Elle évoquait son souvenir avec douceur, mais aussi avec colère.
La vie d’Adrienne, sa mère, s’est déroulée dans le deuil et la résignation. Elle est devenue une femme dure aux yeux de sa fille. Une femme fière aussi, qui ne voulait pas accepter la pitié des autres, en fait ce qu’elle prenait pour de la pitié.
De ses années d'école, elle avait gardé le souvenir d'une course permanente :
Quelques souvenirs heureux :
Elle racontait ses promenades autour de Lisieux, le dimanche. Le bonheur simple de respirer, de sentir le vent, de chanter, et même... de faire un peu les folles sur la route.
Et de la colère, toujours un peu :
Un peu plus tard, elle a commencé à passer ses vacances chez sa tante, la mère d’Arsène. Pas vraiment pour prendre du "bon temps", plus pour aider : son oncle et sa tante tenaient un commerce. Et sa tante s’était mise dans la tête de lui apprendre la broderie.
Elle m’a raconté sa rencontre avec Robert. Puis son mariage. Robert travaillait "aux chemins de fer". Peu à peu, il a gravi les échelons, et est devenu conducteur de locomotive.
Ils ont déménagé au fil des affectations de Robert. Les enfants sont nés, en particulier Roberte, qui restera pour toujours « la petite Roro », emportée par la maladie à l’âge de 3 ans. Alors que j’attendais mon premier enfant, Odette m’a raconté la mort de la fillette. Sa toux, les visites répétées du médecin, le "départ" de la petite fille blottie dans les bras de sa mère. Elle racontait, toujours avec la même voix calme, les yeux perdus au loin, et sur son visage, les larmes qui coulaient.
Puis est venue la guerre. La difficulté de trouver à manger tous les jours. La difficulté de chausser et d’habiller deux garçons, "qui n’arrêtaient pas de grandir. La guerre, ils s’en moquaient : ils continuaient de grandir !"
Et la mort de Robert, dans sa locomotive, pris sous un bombardement anglais.
Elle connaît à son tour la difficulté de se retrouver seule responsable de l’éducation de deux enfants.
Et la guerre qui rattrape ses fils : l’Indochine pour l’un, l’Algérie pour l’autre.
Odette ne faisait qu’une prière à Dieu :
La vie d’Odette s’est déroulée au XXème siècle. Mais en l’écoutant, j’avais toujours l’impression qu’elle parlait d’un autre temps, plus lointain. En changeant quelques mots, bien des femmes au cours des siècles précédents auraient pu faire le même récit.
Odette, devant sa maison natale, à Lisieux (14), rue des Petits-Jardins
La fiche d'Odette sur mon arbre Geneanet :
Son père, Adrien Perrier :
Article publié dans le cadre du ChallengeAZ 2020
Mon thème : "Mon univers généalogique"
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