Antoine Main et Marthe Pellevoisin

20 avril 1700, il y a 324 ans. Par cette belle journée de printemps, me voici sur la place de l'église de Chef-Boutonne, dans les Deux-Sèvres. Invitée à un mariage, celui d'Antoine Main et Marthe Pellevoisin, invitée par Antoine lui-même. Ou par son père, qui se nomme aussi Antoine Main. Je ne sais pas, mais je le saurais bien vite !

Des petits groupes se forment. Antoine et Marthe entrent dans l'église. Parents et amis les suivent. La place est à présent vide. Et je cherche des yeux celui qui m'a priée de venir.

• Bonjour Marie.
• Bon-bonjour. Excusez-moi, je suis toujours un peu surprise de rencontrer .... Antoine, vous êtes bien Antoine Main ?
• Pour vous servir !
• Mais ... Vous êtes le marié ou le père du marié ?
• Ni l'un ni l'autre. Je suis Antoine Main, le fils d'Antoine et Marthe qui se marient aujourd'hui.
• Leur fils ? Je connais un Antoine Main, fils des mariés de ce jour, mais pour moi, il naît en 1704.
• C'est bien moi ! Vous n'avez pas imaginé que je suis né avant le mariage de mes parents ? Que nenni, la bienséance a été respectée, et je suis bien né après leur mariage.
• Je ne voulais surtout pas manquer de respect à vos parents. C'est juste que parfois, je m'y perds un peu...
• Ne vous inquiétez pas, je comprends votre surprise. Mais j'ai toujours trouvé injuste que les enfants n'assistent pas au mariage de leurs parents.
• ...
• Je ne plaisante qu'à moitié. Beaucoup perdent leurs parents très tôt, ils n'en n'ont aucun souvenir. D'autres voient leur parents disparaître alors qu'ils sont adultes. Mais le souvenir qu'il leur en reste est celui de personnes âgées. Je sais que vous, au XXIe siècle, vous avez ce que vous appelez photographies ou films. Cela vous permet de voir vos parents jeunes. Mais nous, nous n'avons que nos souvenirs. C'est une des raisons pour lesquelles je voulais être présent aujourd'hui. Je les regardent, ils sont jeunes, ils sont beaux. Je reconnais d'autres personnes de la familles, des amis. C'est une belle expérience... Mais je parle, je parle... Vous avez sans doute une bonne raison pour vous être intéressée à notre famille.
• C'est vrai. Je suis intriguée par les signatures qui figurent au bas des actes de mariage de vos parents en 1700, de votre frère Charles en 1733 et de votre sœur Anne en 1748. J'ai apporté les extraits de ces actes. Regardez :

(Il prend les actes en main, et me lance un regard interrogateur).

• Ce sont des signatures. Je connais les personnes qui ont signé.
• Les femmes ! Les signatures de femmes : elles sont nombreuses, lisibles. On ne voit pas de croix avec en légende "le faict de la mariée".... Toutes ces signatures de femmes, à cette époque, c'est très étonnant !
• J'ai peut-être une explication : c'est la faute - ou grâce - à Louis XIV !
• Louis XIV ? Je n'ai pas souvenir qu'il ait été très actif pour l'instruction des filles.
• Si je vous dis "révocation de l'Edit de Nantes", cela vous parle ?
• Oui, bien entendu.
• L'Edit de Nantes a été révoqué par Louis XIV le 18 octobre 1685. Dans notre région, il y avait beaucoup de protestants, et depuis quelques années, les choses allaient de mal en pis pour eux. Les protestants d'ici ont pris les devants, et se sont "convertis" en masse. Mon père Antoine et son frère Enoc se sont "convertis" ici même le 13 septembre 1685.
• J'ai du mal à vous suivre. Je ne vois pas le rapport avec les signatures.
• C'est pourtant simple ! Les protestants voulaient que chacun, homme ou femme, puisse lire la Bible par lui-même. C'est pourquoi leurs enfants apprenaient à lire, à écrire et donc à signer. Après leur "conversion", ils ont gardé leur pratique et continué à instruire leurs enfants, filles ou garçons, pendant plusieurs générations. C'est la raison de ces signatures de femmes. Si l'Edit de Nantes n'avait pas été révoqué, vous trouveriez ces signatures dans les registres protestants.
• Effectivement, c'est une explication qui tient la route ! Enfin... je veux dire que c'est une explication probable. Mais parlons un peu de vous. J'ai bien trouvé votre acte de baptême - catholique. Mais ensuite, je ne trouve plus rien qui vous concerne. Qu'êtes vous devenu ?
• Je suis né, j'ai été baptisé, et aujourd'hui je vous rencontre. Ce qu'il s'est passé entre ces moments ? Peu importe. Un jour peut-être... Ne m'en veuillez pas, je vais vous laisser. Je vais me joindre au cortège de mariage de mes parents. Au revoir.
• Au revoir Antoine, et merci pour cette longue conversation.

Acte de mariage d'Antoine Main et Marthe Pellevoisin (1er acte, page gauche)

Acte de Mariage de Charles Main et François Ludière (dernier acte, page gauche)

Acte de Mariage d'Anne Main et Charles Paris (2e acte, page droite)

Abjuration d'Enoc et Antoine Main (1er acte, page gauche)

(On trouve des abjurations à compter du 10 septembre 1685, page 21/135 du registre)

Antoine Main et Marthe Pellevoisin sont les Sosa 3564 et 3565, génération 12, de nos petits-fils.

L'illustration a été générée par une IA.

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