Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

P comme Petronilla

[clic] Dans quel monde vivait-elle ?
Branche Vanwalleghem

 

Petronilla

naît vers

1700

Sosa 1807

Génération 11

d'un arrière-petit-neveu

et d'une arrière-petite-nièce

Ardooie (Belgique), le 15 septembre 1727

Je suis plantée au milieu du village ! Je ne sais vers quoi ou vers qui me diriger. Je sais qui je cherche : Petronilla de Caluwe, épouse de Jacobus Ville. Je sais où je suis, à Ardooie en Belgique dans la région de  West-Vlaanderen (Flandre Occidentale), région flamande bien entendu ! Il y a bien des personnes autour de moi, mais je n'ose pas aller vers elles : je ne parle pas le néerlandais...

Une vieille femme se dirige vers moi. "Ah, vous êtes arrivée ! Ce n'est pas trop tôt. Vous êtes habillée étrangement... Suivez-moi !".

Le ton ne me laisse pas le choix, je la suis. Je réalise que j'ai compris ce qu'elle disait. Je n'ai pas eu le temps de lui demander qui elle était. Ce n'est pas Petronilla, elle est trop âgée. Je ne vais pas l'appeler "la vieille femme", j'opte pour Mamie.

Mamie nous mène vers une maison, tout près. Elle ouvre la porte : "Entrez". J'entre. Il fait sombre. Mes yeux s'habituent à la pénombre, et je vois Petronilla. Oups ! Elle est enceinte, et même très enceinte. Assise près de la table, elle me regarde, ouvre la bouche pour me parler, mais c'est un cri qu'elle émet.

Mamie : "Encore une contraction. Le bébé arrive !".

Petronilla agrippe la table de toute ses forces, comme si elle voulait enfoncer ses ongles dans le bois. J'aperçois une jeune femme à ses côtés. elle ressemble un peu à Petronilla. Je sens que ce n'est pas le moment de faire des mondanités, et, dans ma tête, je la baptise "Sœurette".

Mamie : "Allez, Sage-femme, bougez-vous. Faites votre travail."

Moi : "Mais, je suis pas sage-femme".

Mamie lève les bras au ciel : "Vous n'êtes pas sage-femme, vous n'êtes pas sage-femme ! Petronilla a besoin d'une sage-femme. Et P'tit Pierre, où il est ? C'est lui qui est parti vous chercher, enfin, chercher la sage-femme. Il est passé où ?"

Petronilla s'apaise, la contraction est passée. Les trois femmes me regardent. Je ne sais ni quoi dire, ni quoi faire.

Mamie : "Vous n'êtes pas sage-femme, mais vous pouvez vous rendre utile. Ajoutez une bûche dans la cheminée, il faut garder la chaleur."

La cheminée, une bûche : je sais faire. Ensuite, je ne bouge plus.

Mamie : "Il faut faire bouillir de l'eau. Moi je m'occupe des linges propres. Prenez un chaudron, allez."

J'attrape ce qui me semble être un chaudron.

Mamie : "Mais non, pas celui-là, c'est celui de la soupe, l'autre, à côté".

Je regarde partout, et je murmure : "L'eau..."

Mamie : "L'eau ? Dehors, au puits, vite !"

Je sors. J'en profite pour prendre une grande bouffée d'air frais. Le puits est là, avec son seau. Le seau est lourd, la chaîne couine, et il est encore plus lourd quand je le remonte. Je remplis le chaudron, après avoir versé une partie l'eau sur moi. Courage, il faut que je rentre. J'arrive à mettre le chaudron à sa place, pendu à la crémaillère dans la cheminée. Un nouveau cri, une nouvelle contraction. Mamie et Sœurette entourent Petronilla, tantôt à ses côtés, tantôt derrière elle. Elles lui parlent doucement, tentent de la réconforter par des paroles apaisantes.

Brusquement, la porte s'ouvre et une petite tornade blonde entre en criant : "Elle arrive, je l'ai trouvée !".

Je comprends que c'est P'tit Pierre, et effectivement, il est suivi par une femme. Sage-femme évalue la situation rapidement, et s'approche de Petronilla : "Du calme mon petit, du calme, tout va bien se passer. Regarde : l'eau est chaude, les linges propres sont là. Ton bébé va arriver et nous allons prendre soin de lui et de toi. C'est une chance que j'ai apporté la chaise d'accouchement hier. Il faut la mettre en place."

Sœurette s'enfonce dans un coin sombre de la pièce, et revient avec une lourde chaise.

Sage-femme : "Pose-la près de la cheminée. Il faut pousser la table. Toi, P'tit Pierre, sors et ferme vite cette porte". Puis, aidée par Mamie et Sœurette, elle installe Petronilla sur la chaise. Petronilla porte ce qui ressemble à une longue chemise de nuit très ample, de couleur écrue.

Je suis dans un état second. Je regarde ces trois femmes accomplir une mission périlleuse : aider Pétronilla à mettre son bébé au monde. Sage-femme est très concentrée. Elle donne des instructions brèves, aussitôt exécutées par Mamie et Sœurette. Elle parle doucement à Petronilla, la rassure. Entre deux contractions, Petronilla reste calme. Mamie et Sœurette lui sourient, l'encouragent, et prient avec elles.

Les heures s'étirent... Puis, Sage-femme : "Il arrive, il est là !". Le cri d'un bébé ! Sage-femme fait des gestes précis, et un autre cri : "C'est une fille !". Le cordon ombilical est coupé et noué. Sage-femme examine le bébé. Tout semble en ordre. Elle le donne à Mamie, et revient vers Petronilla.

Mamie semble rompue à cette tâche : elle nettoie le bébé et l'enveloppe bien serré dans les langes préparés. Sage-femme continue à s'occuper de Petronilla qui semble épuisée. Elle enchaîne ses gestes précis, toujours aussi concentrée. Puis elle me regarde, regarde Sœurette : "Aidez-moi à revêtir Petronilla d'une chemise propre, puis nous l'accompagnerons à son lit".

Petronilla est maintenant dans le lit, elle somnole. Sage-femme s'assied près d'elle.

Mamie regarde Sœurette : "Va prévenir les autres que c'est une fille, qu'elle va bien et Petronilla aussi. Assure-toi que le parrain et la marraine soient prévenus. Envoie P'tit Pierre prévenir le curé, il doit bien traîner par ici. Nous partirons pour le baptême dès que possible."

Sœurette sort. Je lui emboîte le pas. Dehors, il y a un petit attroupement d'hommes et de femmes. Sœurette se dirige vers eux, porteuse des bonnes nouvelles. J'entends des rires. Je m'éclipse.

Petronilla De Caluwe naît vers 1700. Elle épouse Jacobus Ville. Isabella, leur fille, naît le 15 septembre 1727 (1er acte page droite) à Ardooie, en Belgique, province de West-Vlaanderen. 

Petronilla décède le 18 janvier 1763 (avant-dernier acte, page gauche) à Ardooie, vers l'âge de 63 ans.

Jacobus décède au même lieu le 17 septembre 1763 (2e acte page gauche), vers l'âge de 86 ans.

Eglise d'Ardooie
La Flandre Occidentale

Je ne peux m'empêcher de penser à tout ce qui a été dit et écrit sur les sages-femmes au XIXe siècle, "dont beaucoup sont d'une ignorance crasse". Au siècle des Lumières, et bien au-delà, beaucoup ont accablé les sages-femmes, leur imputant la responsabilité de la très forte mortalité infantile et des nombreux décès de mères "décédées en couche". A travers des sages-femmes, ces discours ramenaient les femmes, toutes les femmes, à des êtres sans cervelles qui remettaient leurs vies et celles de leurs enfants entre les mains d'incompétentes.

Peu à peu, les médecins - des hommes -  se sont employés à conquérir ce domaine réservé aux femmes : l'accouchement. Ils se faisaient forts d'améliorer la situation. Il leur faudra plus de deux siècles pour y arriver. La mortalité des nouveau-nés et de leurs mères a baissé très fortement. Non pas parce que ces médecins étaient des hommes, mais parce les connaissances médicales, les travaux de recherches, l'évolution des matériels et des traitements, les compétences et les savoirs des sages-femmes ont permis cette amélioration.

[clic]Une chaise d'accouchement.

 

 

Le mannequin d'accouchement (Mme Le Boursier du Coudray)
Donner naissance au XVIIIème siècle : le manuel d'une sage-femme en 1758, racontée par Laurie
L'accouchement La grossesse
Les premiers moments du bébé Les soins à la mère, l'allaitement, la mise en nourrice

L'ouvrage de Madame Le Boursier du Coudray édité en 1758, auquel se réfèrent les différents textes, est en accès libre sur Gallica : Abrégé de l'art de l'accouchement. Le livre présenté comporte 288 pages. Il y a une longue "préface" et le texte lui-même commence à la page 65/288. L'autrice a pratiqué des accouchements depuis plus de 20 ans. Certaines considérations sont toujours d'actualité, même si elle en donne une explication conforme à la religion. Elle reste toutefois une femme du XVIIIe siècle, et certains passages le rappellent.

Un podcast de France Culture : Angélique du Coudray, première sage-femme enseignante (54 mn)

Une vidéo de l'INA  : Naissances à la campagne - Reportage de 1964 (8 mn)

Le tableau 2023 sera mis à jour au fil de l'eau.

Récap des Challenges

Challenge 2023 Challenge 2022
Challenge 2021 Challenge 2020

Les défis d'écriture

Tout, tout, tout sur ce blog, en cliquant sur ce texte

Si vous souhaitez partager vos propres réalisations : textes, vidéos, graphismes, BD, podcasts, livres photos et autres... vous pouvez les partager sur le groupe Facebook que j'ai créé à cet effet. Sur ce groupe, vous pouvez aussi lire des articles d'autres auteurs. Il s'agit d'un groupe privé, il faut donc s'y abonner. Vous pouvez toujours - abonné(e) ou pas - prendre connaissance des objectifs de ce groupe en lisant le texte de présentation.

Raconter sa généalogie

Vous pouvez aussi retrouver mes articles sur ma page Facebook, qui fonctionne comme un site "miroir" de ce blog (page en accès libre).

desancetresetdesactes

%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%

Retour à l'accueil
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
A
J'ai adoré l'intervention de mamie, superbe article
Répondre
J
Merci.
D
La chaise d'accouchement semble avoir été utilisée dans les pays nordiques jusqu'au XIXe siècle, je n'en ai pourtant jamais entendu parler par les vieux.
Répondre
J
J'étais en Belgique, donc j'ai parlé de cette chaise, mais sans certitude quant à sont utilisation réelle...
V
Juste un mot ... Magnifique
Répondre
J
Merci.